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Quelle est la définition d'une forêt selon l'EUDR ?

Le règlement européen contre la déforestation, connu sous l’acronyme EUDR ou RDUE, constitue une avancée législative majeure dans la lutte contre la destruction des écosystèmes forestiers mondiaux. Adopté le 31 mai 2023 et publié au Journal officiel le 9 juin suivant, ce texte impose des obligations strictes aux entreprises commercialisant certains produits sur le territoire européen.

Au cœur de cette réglementation se trouve une définition juridique précise de ce qu’est une forêt, critère déterminant pour établir si une zone a subi une déforestation illégale.

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1. Critères techniques cumulatifs

L’article 2, point 3 du règlement (UE) 2023/1115 établit trois paramètres quantifiables qui doivent coexister simultanément pour qualifier juridiquement une zone forestière. Une superficie minimale de 0,5 hectare constitue le premier seuil : toute zone arborée inférieure à cette surface échappe à la qualification forestière, même si elle présente toutes les autres caractéristiques écologiques appropriées.

La hauteur des arbres représente le deuxième critère incontournable : les végétaux doivent dépasser cinq mètres ou démontrer la capacité biologique d’atteindre naturellement cette dimension dans leur environnement. Cette précision intègre les jeunes forêts en régénération dont les arbres n’ont pas encore atteint leur taille adulte mais possèdent ce potentiel intrinsèque.

2. Densité du couvert végétal

Le couvert arboré doit excéder 10% de la superficie totale pour satisfaire aux exigences réglementaires. Cette mesure de densité, observable par imagerie satellite ou relevés terrain, distingue les véritables formations forestières des zones simplement parsemées d’arbres isolés. Les technologies de télédétection comme Copernicus ou Global Forest Watch permettent d’évaluer objectivement ce pourcentage de couverture canopée.

Cette approche quantitative offre aux autorités de contrôle et aux entreprises des références vérifiables scientifiquement, limitant ainsi les interprétations subjectives lors des audits de conformité.

SituationEst-ce une forêt selon l’EUDR ?Conforme ?
Une zone naturelle de 1 ha avec des arbres de 6 m et 30 % de couvert✅ Oui✅ Si non déboisée après 2020
Une plantation de caféiers de 2 ha❌ Non (agricole)N/A
Une zone de 0,4 ha de bois dense❌ Non (moins de 0,5 ha)N/A
Une savane arborée (hauteur 4 m, couvert 15 %)❌ Non (hauteur insuffisante)N/A

3. Exclusions territoriales explicites

Le règlement exclut formellement deux catégories d’occupation des sols de sa définition forestière. Les terres à vocation agricole, qu’elles soient cultivées, pâturées ou exploitées pour des productions végétales ou animales, ne peuvent prétendre au statut de forêt même si des arbres y sont présents. Cette distinction évite toute confusion avec les systèmes agroforestiers ou les plantations commerciales.

Les zones urbanisées constituent la seconde exclusion majeure : parcs municipaux, jardins publics, alignements d’arbres citadins ne relèvent pas du champ d’application de l’EUDR. Cette clarification juridique concentre la protection sur les écosystèmes forestiers naturels ou semi-naturels, véritables enjeux de biodiversité et de stockage carbone.

Mycélium

4. Définition juridique de la déforestation

L’article 2, point 2 du règlement caractérise la déforestation comme toute conversion d’une forêt vers des terres agricoles, quelle que soit l’origine humaine ou naturelle de cette transformation. Cette approche englobe tant les défrichements volontaires que les dégradations progressives aboutissant à une perte fonctionnelle de l’écosystème forestier.

La date butoir du 31 décembre 2020 s’impose comme référence temporelle absolue : toute conversion postérieure rend automatiquement non conformes les produits issus de ces parcelles. Cette ligne de démarcation chronologique permet aux opérateurs économiques d’établir leurs systèmes de traçabilité avec un repère temporel précis et vérifiable.

5. Distinction avec les autres couverts végétaux

Le texte réglementaire différencie explicitement les forêts des « autres terres boisées » qui ne satisfont pas l’ensemble des critères quantitatifs établis. Savanes arborées, bosquets fragmentés, formations végétales semi-arides relèvent de cette catégorie intermédiaire présentant des caractéristiques arborées sans constituer formellement des forêts.

Ces zones peuvent néanmoins faire l’objet d’une attention réglementaire lorsque leur conversion génère une déforestation indirecte par report de pression agricole. Cette nuance témoigne de l’approche systémique adoptée par le législateur européen pour prévenir les contournements via des conversions déguisées.

6. Implications opérationnelles pour les entreprises

Les opérateurs économiques doivent géolocaliser précisément chaque parcelle de production avec ses coordonnées géographiques exactes. Cette exigence cartographique permet de confronter les données déclarées aux images satellites historiques documentant l’évolution du couvert végétal depuis 2020. La plateforme numérique européenne centralisée, opérationnelle depuis novembre 2024, recueille ces déclarations de diligence raisonnée.

Les systèmes d’information géographique et outils de télédétection deviennent indispensables pour vérifier le respect des seuils techniques de 0,5 hectare, 5 mètres et 10% de couverture. Cette technicisation des processus de conformité nécessite des investissements significatifs en expertise et technologies pour les acteurs économiques concernés.

Forêt avec le soleil en sous-bois

7. Produits concernés par la réglementation

Sept commodités agricoles et forestières entrent dans le périmètre de l’EUDR : café, cacao, caoutchouc, huile de palme, soja, bovins et bois. Cette liste s’étend à leurs produits dérivés comme le cuir, le charbon végétal, le papier imprimé ou le chocolat, multiplicant considérablement le nombre de références commerciales soumises aux obligations de traçabilité.

L’annexe 1 du règlement détaille exhaustivement les nomenclatures douanières concernées, permettant aux services des douanes d’identifier systématiquement les flux commerciaux devant faire l’objet de vérifications. Cette précision taxonomique facilite l’application uniforme du texte aux frontières européennes.

8. Conformité aux législations locales

Au-delà de l’absence de déforestation, les produits doivent avoir été récoltés dans le strict respect des lois du pays producteur. Cette exigence couvre le statut juridique foncier, les droits d’usage des terres, la protection environnementale, la gestion forestière durable et la conservation de la biodiversité locale.

Les droits des communautés locales, notamment le principe du consentement libre, préalable et éclairé, constituent également des critères de conformité. Cette dimension sociale et éthique élargit considérablement le spectre de vérification au-delà des seuls aspects environnementaux, imposant une diligence raisonnée multidimensionnelle.

Forêt vue d'en haut

9. Calendrier de mise en application

Initialement fixée au 30 décembre 2024, l’entrée en vigueur effective a été reportée suite aux difficultés techniques rencontrées par le système informatique centralisé. Les grandes entreprises doivent désormais se conformer au 31 décembre 2025, tandis que les micro et petites entreprises bénéficient d’un délai supplémentaire jusqu’au 30 juin 2026.

Ce report d’un an, validé par le Parlement européen en novembre 2024, offre aux opérateurs économiques mondiaux le temps nécessaire pour établir leurs systèmes de traçabilité et collecter les données géographiques requises. Une période de grâce de six mois permettra une montée en puissance progressive des contrôles sans dispenser les entreprises de leurs obligations déclaratives.

10. Sanctions et mécanismes de contrôle

Les autorités nationales compétentes procéderont à des vérifications systématiques des déclarations de diligence raisonnée soumises via la plateforme européenne. Ces contrôles s’appuieront sur les technologies satellitaires et les bases de données géospatiales pour confronter les déclarations aux réalités terrain observables depuis l’espace.

Le non-respect des obligations expose les opérateurs à des sanctions proportionnées à la gravité des manquements constatés. Cette architecture répressive vise à garantir l’effectivité du dispositif en créant une dissuasion économique suffisante pour modifier structurellement les pratiques d’approvisionnement des entreprises européennes.

La définition juridique de la forêt adoptée par l’EUDR, bien qu’inspirée des standards internationaux de la FAO, introduit une rigueur technique sans précédent dans la réglementation commerciale européenne. Cette approche quantitative, conjuguée aux technologies de géolocalisation et de télédétection, transforme radicalement les exigences de traçabilité imposées aux chaînes d’approvisionnement mondiales des sept commodités concernées.

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